Sorti major de sa promotion au Cesti (Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’Information), Djibril Diallo est un journaliste sénégalais spécialisé en presse écrite et numérique. Titulaire d’un Master en Sciences politiques, spécialiste Relations Internationales, il est l’auteur d’un recueil de poèmes intitulé "Fond de mental" publié en 2018 et d’un Essai titré de "La Guerre des mondes, quand les identités nous séparent", publié aux éditions "Les Impliqués" en 2022. Ancien pigiste de TV5 Monde, il fait partie des Jeunes Reporters Francophones (JRF) engagés par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et le CESTI pour la couverture du processus électoral, dans le cadre de l’élection présidentielle non tenue de février 2024 au Sénégal.
Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)
Une lettre ouverte à Mbathio
Jamais stress, détresse et tristesse ne se sont tant acharnés si dur, contre un cœur pourtant naïf et si pur, brisant l’espoir d’une innocente jeunesse.
Chère Mbathio, c’était à l’hôpital que je te vis pour la première fois. Tu parlais et souriais, bien que de l’intérieur tu souffrais. J’ai alors appris ta tragique destinée. Jeune, belle, pleine de vie, tu as été victime d’un accident alors que tu partais à l’école. Sans le savoir, c’était la dernière fois que tu allais marcher de ta vie. Pourtant, tu t’es battue, brave petite.
Tu sais, ton histoire est toujours racontée. Et elle inspire, quoique tragique. Sans moyen, tu t’es accrochée à la vie avec foi jusqu’à ton dernier souffle.
Mais comment te dire que quatre ans après ton décès, la négligence médicale qui t’as emportée fait encore rage ? En avril 2021, des bébés sont morts calcinés dans un hôpital au Sénégal. En 2022, une dame du nom de Astou Sokhna est morte en couche par manque d’assistance et à l’hôpital de Kaolack, un bébé a été déclaré mort alors qu’il était toujours vivant.
Je m’en arrête là car je ne puis admettre que toi et tous ces êtres qui nous étaient si précieux, nous soyez arrachés si vite pour d’inconnus cieux.
Tiens, une pratique s’est répandue en ton absence : le henné time. Inspiré des femmes mauritaniennes, les filles le font la veille du mariage, l’appellent enterrement de vie de jeunes filles avec, bien sûr, une touche sénégalaise. Si certaines se limitent à aller au salon de coiffure, louer une tente, la décorer et passer la soirée en compagnie des batteurs de tam tam, ce qui est déjà assez coûteux, d’autres commencent à lui donner une tournure des plus vulgaires avec des scènes d’exhibitionnisme et de danses érotiques. Elles s’en donnent à cœur joie en découvrant sous-vêtements, lingeries et perles de rein.
Entourées de leurs amies, elles se vêtent d’habits fastueux, se parfument les vêtements, les cheveux et portent des bijoux sur la tête, les oreilles, le cou, les poignets et les chevilles. Au milieu de ces splendeurs, elles vivent une vie de luxe temporaire, d’insouciance et de jubilation. Tout ça pour le plaisir du mari, qui lui, pense déjà à rembourser ses dettes. Cette possession sacrée qui fait descendre sur elles l’envie, le paraitre, la concurrence et le « m’as-tu vu », les entraine dans une vanité totale. Autant te dire que ci-gît la pudeur !
J’arrête de t’embêter avec ce sombre tableau. Tu es en paix maintenant et tu veilles sur nos vies comme le font toutes les femmes africaines. Ces femmes qui se battent au quotidien pour une meilleure existence et pour le bien-être de leurs enfants. C’est dommage que certains continuent de croire que la place de la femme est au foyer. Heureusement, d’autres ont compris et se battent pour le respect des droits de la femme.
Dans ton pays le Sénégal, la situation des femmes n’a pas vraiment changé. Il y a celles qui titubent et tombent sans jamais se relever et d’autres qui considèrent que tomber est juste une étape pour celui qui vise le sommet. Des femmes bravent la mer pour rejoindre l’Europe à bord des pirogues et d’autres se présentent à l’élection présidentielle à venir : Les premières n’ont plus espoir et les secondes ont foi en un avenir radieux. Voici le tableau.
Si seulement toutes les femmes avaient ta force ! Car, même quand faisaient rage tes blessures et que tu devenais faible, essoufflée et haletante, ton sourire a gardé sa blancheur éclatante. Avec ce sourire, tu nous as enseigné que vivre, c’est chevaucher entre la joie et l’amertume, le bonheur et les vastes chagrins.
Chère Mbathio, m’adressant à toi, je suis sous le charme, mais toujours en fureur, tristement en larmes car blessé au cœur.
Djibril Diallo
- 14 octobre 2024