Très engagée pour la promotion des droits de la femme et de la jeunesse, Edwige Padonou est linguiste communicateur et administrateur des élections de formation et de carrière. Au cours de sa carrière administrative, elle a porté beaucoup d’initiatives de leadership féminin notamment la création des amicales de femme. Actuelle 1ère Vice-présidente de l’Association Africaine des Professionnels de Management des Élections, elle regarde avec lucidité l’implication des femmes sous l’angle de leur participation active ou passive tout en montrant que la femme est aussi et ce, de tout temps, une véritable artisane de paix.
Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)
Dans une lettre à toutes les femmes
(Dédiée à toutes les femmes victimes de violence en Afrique)
De nos jours, la violence est encore perçue comme étant uniquement l’apanage des hommes. Les femmes en sont généralement exclues et sont uniquement prises pour victimes passives de la brutalité que leur infligent ou infligeraient leurs contemporains masculins. Pourtant, l’histoire montre qu’à travers les temps, les femmes ont, elles aussi, joué un rôle important dans le déclenchement de la violence et en ont parfois même été meneurs et ou principales protagonistes.
L’organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit la violence comme « l’usage délibéré ou la menace d’usage délibéré de la force physique ou de la puissance contre soi-même, contre une autre personne ou contre un groupe ou une communauté qui entraîne ou risque fort d’entraîner un traumatisme, un dommage moral, un mal développement ou une carence. » L’OMS souligne qu’elle s’enracine dans l’interaction avec de nombreux facteurs : biologiques, psychologiques, sociaux, culturels, économiques et politiques.
La présente lettre ouverte s’adresse à toutes les communautés en faisant ressortir l’histoire qui unit les femmes à la violence et les diverses facettes de leur implication sous l’angle de leur participation active ou passive tout en montrant que la femme est aussi et ce, de tout temps, une véritable artisane de paix.
Notons tout d’abord que la violence fait partie intégrante de l’histoire de l’humanité depuis sa création. Ce comportement fort ancien semble n’avoir été le domaine réservé que d’une partie de cette humanité, tant il est vrai que la violence est essentiellement perçue comme une affaire d’hommes. De nombreux actes de violence observés dans la société, les communautés et dans les familles et émanant de certains hommes, ont été avancés comme arguments pour expliquer cette prédominance masculine. Une "violence innée", un "instinct de prédateur", voire une "pulsion de mort" particulièrement développés chez l’homme.
La femme, l’autre moitié de l’humanité n’est, elle, perçue que rarement dans les discours sur la brutalité et l’agressivité comme une victime. Proies ou butins, les femmes ne seraient donc que des objets passifs de la passion violente des hommes. Mieux, la nature féminine exprimerait des comportements pacifistes, et s’opposerait alors au caractère agressif des hommes. ‘’Berceau de la vie’’, ‘’Soumise’’ et ‘’ attentionnée’’, la femme n’aurait pas sa place sur le champ funeste des batailles et autres violences, si ce n’est en tant que victime involontaire.
Or, l’Afrique et l’humanité ont connu une succession de femmes guerrières qui se sont illustrées par des stratégies de guerre et de violence pour préserver leur territoire et leur liberté. (Femmes d’exception ; FRH ; Quatre Héroïnes de l’histoire Africaine).
Quelles que soient les causes, les idées et les idéologies défendues, les femmes ont exprimé et animé la violence au cours de l’histoire de l’humanité, aussi bien hier qu’aujourd’hui.
L’histoire nous raconte que le père de l’indépendance d’Haïti, Jean Jacques DESSALINES reconnu pour sa bravoure, sa fureur et sa témérité, a hérité ces caractères d’une << agodjié », femme soldate du royaume du Danxomè, une officière des troupes d’élite de l’armée royale. Il s’agit de AGBARAYA TOYA, une agodjié victime d’un guet -apens des négriers qui a été déportée en Haïti (l’ancien Saint Domingue). C’est dans ces vaines tentatives de mettre fin à l’esclavage en Haïti que son destin rencontra celui de DESSALINES en septembre 1758 et qu’elle lui enseigne et lui imprime les diverses stratégies de guerre et de violence pour se défendre et libérer la patrie.
Au cours de la guerre au nord de l’Ouganda de 1980 en 1986, les femmes se sont organisées que ce soit de façon symbolique, en pratiquant des rituels censés apporter la victoire ou de manière pratique, en participant directement à la préparation des expéditions militaires ou en s’occupant des blessés ou gardant des prisonniers de guerre. Cette guerre a montré le visage féroce et violent de la femme.
Au Dahomey, Danxomè d’hier, et en Egypte, la participation directe des femmes dans les combats violents reste de mémoire. Bien souvent, ces guerrières ont été des souveraines. Les ‘’agodjié’’ du roi GBEHANZIN et’’ Ahhotep1" Ia reine d’Égypte, ont combattu à la tête de plusieurs troupes, les envahisseurs. Ce sont des femmes guerrières très coriaces et donc très violentes, qui ont pris le commandement d’armées et surtout des corps d’élites des armées.
Femmes de caractère, les amazones du Dahomey ont été animées d’un courage légendaire, en défendant leur royaume. Elles ont montré par leur bravoure que la femme peut être une artisane de violence. La dureté et la résistance de ces guerrières par exemple suscitent à la fois, l’étonnement et l’admiration des visiteurs et colonisateurs européens. En face, leurs adversaires hésitèrent, dans un premier temps et pour leur plus grand malheur, à faire feu sur elles. C’est finalement la supériorité de l’armement français et l’usage de mitrailleuses qui viendront à bout de ce corps d’élite des agodjié et de la résistance du roi Béhanzin.
Les femmes ont depuis des siècles été impliquées dans la préparation et l’effort de guerre de par le monde. Cet engagement s’est toutefois généralisé et institutionnalisé avec l’apparition des deux grandes guerres.
La participation volontaire des femmes dans les conflits armés, en tant que combattantes ou soutiens de l’effort de guerre, ou de violence peut s’expliquer par le fait qu’elles en soient aussi des victimes directes et ou indirectes à travers la perte de pères, frères, époux et enfants.
Les exemples de femmes qui défendent et activent la violence pour une idée ou une cause ou encore face à l’extrême urgence sont donc très nombreux. Elle se voient donc emballées dans la violence pour une cause certainement légitime.
On rappellera par ailleurs que "le scandale de la prison irakienne d’Abu Ghraib", comme l’appelèrent les médias, démontre que, en dehors de toute contrainte, des femmes peuvent aussi commettre des actes aussi horribles que la torture et y prendre un plaisir pervers. Pire, un crime de guerre jusqu’alors vu comme uniquement masculin, le viol, peut être aussi commis par des femmes contre d’autres femmes. Une étude récente sur la guerre civile en Sierra Leone a, en effet, démontré que la participation directe de femmes dans des supplices sexuels infligés à des victimes féminines n’était ni un phénomène inconnu, ni même marginal. Certaines femmes prennent du plaisir à infliger des supplices. (Dara kay Cohen ; the role of female combatants Groups : Women and Wartime Rape in sierra Leone ; 1991 -2002)
A des échelles plus bas dans la société, les femmes sont aussi souvent auteures de querelles intestines et de convoitises entre elles et, même face à des hommes, ce qui déclenche constamment la violence dans les espaces publics et privés. L’approfondissement des violences intestines, conjugales et les voies de fait s’observe dans les foyers. La violence des femmes au sein du couple et sur l’homme devient de plus en plus courante. 30% des hommes subissent des violences conjugales. C’est une domination de la femme qui s’exprime par des agressions verbales, physiques, psychologiques, sexuelles, économiques et spirituelles.
L’existence des femmes acteurs impliqués dans la violence ne contredit pas la thèse selon laquelle les femmes restent aujourd’hui et encore majoritairement dans la catégorie des victimes de la guerre et de violences de tous genres.
Cette position, autour de laquelle tourne le discours des organisations humanitaires, reste d’autant plus vraie qu’elle ne remet pas en cause, dans nos sociétés, que la femme reste une éducatrice et une promotrice de la paix.
En d’autres termes, il est plus aisé de considérer partout les femmes dans un rôle passif plutôt que de les considérer comme pouvant être globalement des acteurs à part entière, dans la guerre ou dans la violence. La femme reste et demeure promotrice de paix, d’hier à aujourd’hui.
En 2000, ce sont des femmes luttant pour la paix qui ont été l’inspiration et le moteur de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui, pour la première fois dans l’histoire, a appelé à l’inclusion des femmes dans les questions de prévention de la guerre et de rétablissement de la paix.
Après la première guerre mondiale de 1918, des femmes politiquement engagées, notamment dans le mouvement pour le suffrage des femmes, n’entendent plus laisser les hommes décider seuls. Elles demandent qu’une délégation soit reçue et admise à la table des négociations alors que doit se tenir la Conférence de la Paix, à Paris. Cette conférence de Paris suscite une vague de militantismes féminins sans précédent, attirant sur la scène internationale des femmes venues du monde entier pour défendre la paix, la démocratie et les droits des femmes.
En Somalie, la participation des femmes autochtones au processus de pacification du pays est un bel exemple. Elles ont en effet joué un rôle déterminant lors de la conférence d’Arta en 2000, qui avait pour la première fois, regroupé toutes les sphères de la société somalienne et belligérants de la guerre civile qui avait ravagé ce pays depuis la chute du régime de Siad Barre. L’initiative a permis à la Somalie d’avoir un gouvernement plus ou moins stable aujourd’hui.
Les femmes de plus en plus envisagent un avenir différent, où la violence ne détermine pas la vie. Elles construisent des communautés comme espace de confiance et d’acceptation. Elles créent des îlots de paix positive même dans un océan de violences. Elles montrent comment les communautés à travers les belligérants gaspillent de précieuses ressources humaines et matérielles alors qu’elles auraient pu servir au développement et à l’enracinement de la dignité humaine.
Paix davantage que violence
La femme est plus promotrice de paix que de violence. La résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, adoptée par le Conseil de sécurité le 31 octobre 2000, est historique car, elle demande à l’ONU et aux États membres, de prendre en compte plus systématiquement les intérêts des femmes dans les activités de maintien et de consolidation de la paix. Les femmes ne veulent plus de violence dans le monde. L’organisation des Nations Unies (ONU) reconnaît et réaffirme le rôle joué par les femmes dans la construction de la paix mais aussi en tant que participantes actives à tous les stades de la prévention des conflits et du règlement des différends. Cette résolution est la première à bénéficier d’un puissant soutien au niveau mondial, notamment en raison du dynamisme du mouvement féminin.
Femme, chère sœur,
toi qui donnes la vie parfois au péril de la tienne, lève-toi et ensemble avec tes consœurs, unissons-nous pour bâtir un monde véritablement humain où n’existeront que paix, amour, joie et convivialité dans la sécurité pour tous. Sachons qu’un monde sans violence est possible et que la paix et la sécurité pour tous devient pour nous, une quête permanente de par le monde, donc un devoir impératif pour nous !
Femme source d’amour,
œuvre toujours et partout de sorte que la paix règne autour de toi, et jette les tentacules de la paix aussi loin que possible par tes actes et tes enseignements ! Par ton sourire, par tes faits et gestes, éduque pour la paix, participe activement à l’instauration d’un monde de paix. Il y va de ta paix et de ton bonheur.
Ensemble pour la paix, que vive la paix par nous ! Agréable journée de la femme, artisane de la paix à chacune et à toutes et autour de nous !
Edwige PADONOU
Administrateur des Elections
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