Journaliste de formation et de profession, Sinatou SAKA accompagne la transformation des médias publics au Bénin. Forte de 8 années de pratique à RFI et France 24, elle se passionne pour la mise en lumière des histoires et des parcours africains. Elle est aussi co-fondatrice de Ekôlab, une association à but non lucratif pour le journalisme d’investigation et la promotion de l’éducation aux médias auprès des scolaires.
- Selon votre conception des choses, qui est la femme ?
C’est une question compliquée car j’évite de dresser un profil type de femme ; je considère que cela n’existe pas. Chaque femme a son vécu, ses particularités. Pour moi, il n’y a pas la femme mais des femmes, qui comme les hommes, ont un destin et essaient de le construire du mieux possible pour elles et pour notre nation. Etre femme, c’est un parcours, un voyage, une découverte.
- Pourriez-vous partager avec nous 2 ou 3 situations que vous avez vécues simplement parce que vous êtes une femme ?
En tant que femme dans une société africaine, il y a une pression sociale liée à la maternité. « Quand comptes-tu faire des enfants ? » On le demande moins à un homme qu’à une femme parce qu’on estime que cela relève plus de la féminité. Si des efforts majeurs sont faits aujourd’hui, il y a des sphères dans lesquelles les femmes sont absentes et sans discrimination positive les choses ne changeront pas. Pour revenir à mon expérience personnelle, les situations ne sont pas très promptes à être démêlées, surtout dans un contexte occidental. Elles se rapportent au fait qu’on soit femme, noire et jeune. Ce sont généralement des choses qui freinent et même bloquent l’ascension professionnelle. Il y a aussi des stéréotypes vécus en tant que femme mais je préfère ne pas en parler pour ne pas leur donner plus d’écho.
- Que pensez-vous de la sororité ?
Elle est primordiale et vitale pour les femmes dans notre société. Quand on voit la manière dont les enfants sont éduqués et se sociabilisent une fois adultes, on voit bien que les hommes se sociabilisent et s’entraident plus vite alors que les femmes se jalousent et se regardent en chiens de faïence. Je pense que la sororité est une clé pour contrebalancer les choses et un moyen pour les femmes de se souder pour aller plus loin. Bien entendu, il faut que la sororité soit basée sur la compétence, la bonne éducation, la confiance en soi afin que tout lui soit possible. Je pense qu’il y a une urgence à éduquer les filles à s’affirmer par ce qu’elles savent bien faire afin de devenir des femmes plus visibles, avec plus d’impacts. Pour les femmes dont l’éducation dans ce sens a été ratée, il urge de corriger le tir par le partage de bonnes pratiques grâce à la sororité. Toute la communauté devrait ainsi en profiter.
- Féminisme ! Quelle en est votre appréciation ?
Mon féminisme, c’est de permettre à toutes les femmes de faire des choses que je n’oserais pas faire. Il repose sur la liberté totale. Oui ! Refuser aux femmes d’accéder à certains droits tandis qu’on prône le féminisme est selon moi, de l’hypocrisie. Je suis convaincue que les femmes ont une grande intelligence et peuvent décider quoi faire de leur corps, de leur esprit et de leur destin. Le féminisme, c’est la liberté des femmes à jouir complètement de leurs droits comme le font les hommes. Ce n’est qu’à ce niveau de compréhension que nous pourrons créer le changement. Je crois en la capacité des femmes à se prendre en main même si chaque contexte doit être spécifiquement apprécié.
- Quel regard portez-vous alors sur l’idée de la soumission de la femme à son homme ?
Je dois reconnaitre que je n’aime pas cette question car je n’adhère pas à cette idée. Je ne dirai pas à une femme d’être insoumise à son époux mais je pense qu’il revient à chaque couple de définir son mode de fonctionnement en considérant chaque conjoint comme un être humain à part entière. J’espère qu’à ce moment, il s’établit une espèce d’égalité.
Propos recueillis par Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)
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- 2 octobre 2024