A la température de Haute-Savoie en France, loin de la chaleur de son Bénin natal, Syntyche s’est coiffée d’un pagne coloré, nouée à la tropicale sur ses cheveux simplement nattés et ornés de cauris. Avec ce "tabla" et le visage éclairé par ce sourire qui la suit partout, l’ingénieur en IA (Intelligence artificielle) fixe l’objectif de ce regard dont les femmes du continent noir ont le secret : la geekette carbure à la sève africaine.
Éclatant d’un rire communicatif après le flash, Syntyche reste transparente et fidèle à elle-même. Dans la peau de l’invitée spéciale de l’édition 2023 de la Semaine du Numérique organisée par l’État béninois à Cotonou, dans les think tank ou en réunion d’entreprise en France, son expression faciale et sa gestuelle se modulent de rictus et de mimiques vifs et énergiques. Quoique son accent a été tempéré par le climat européen, l’ingénieur en IA chérit les occasions de parler un Goun (langue béninoise). Devant son dressing, son regard reste parfois songeur aux cérémonies qui la feront se parer de tenues locales béninoises. En effet, le temps passe et la vingtaine d’années qu’elle vit sur le vieux continent, pointe à l’horizon. Là-bas, le Télibo et le Man qu’affectionne Syntyche ne courent pas les rues. Ses séjours au pays, généralement dans le cadre de missions, sont trop brefs et chargés pour lui permettre de s’imbiber de moments de communion avec ses êtres chers. Père et mère, Perside sa sœur, tante maternelle (2ème mère), cousins et cousines, parents et amis, ils sont nombreux à avoir animé la toile de sa vie avant son premier diplôme universitaire en 2006.
C’est dans cette étoffe qu’a pris forme la jeune fille devenue docteur en traitement du signal et des images. Point de surprise alors en ce qui concerne son rapport à l’image et son naturel à prendre des poses ! Son côté artistique n’éclipse pourtant pas l’omniprésence des nombres et des sciences en général dans sa vie. Horripilée par le chiffre 0, elle aborde tout différemment "infini" qui lui évoque l’espoir et la continuité. Dans cette foi en l’avenir, se renouvelle son engagement pour la cause de la jeunesse : elle s’est promis d’œuvrer davantage à leur faciliter l’accès à l’information, les outiller à la décoder pour être à même de décider. Ceci fait écho à ses propres déceptions dont la première fut sa mention (Assez bien) au BAC C 2006 qu’elle a vécue comme un échec. Même si Syntyche en rit aujourd’hui, ses débuts d’étudiante noire (loin de son père, son roc), l’échec de son établissement professionnel au Bénin en 2017, son licenciement économique en 2020 en raison de la COVID-19, ont été difficiles pour elle qui était très axée sur la performance. Dans le déploiement de sa résilience pendant cette pandémie mondiale, son époux a été d’un grand soutien pour elle. Sa générosité, sa patience, sa comprehensivité et son sens du recul sont des bijoux précieux que l’ancienne championne de natation câline.
Avec son mari, elle cultive un havre de paix qui la rebooste devant les yeux souvent interrogateurs de la société sur ses choix de carrière et ses choix personnels. Ses parents ne sont guère désappointés car depuis son enfance, la geekette se projetait. Dessinant et cousant des modèles à ses 10 ans, son attirance pour la mode n’était pas un hasard. Avec le tissu, elle file une histoire d’amour vieille, intense et discrète, soigneusement gardée par son Dieu (son Manitou) et ses parents. Premier-né de ceux-ci, elle a été prénommée en langue fon "Sèvomonnonvoun" pour signifier que "le tissu dont vous vêt l’Éternel ne se déchire jamais". Assurément, Syntyche n’a pu se détourner de son sens de la disponibilité pour les autres. Pour eux, elle voulait opérer la magie de "SèvoCel", son réseau de télécommunications dont l’adolescente d’alors avait ciblé déjà les actionnaires. A défaut, l’adulte qu’elle est devenue a co-créé le podcast Horizon IA. Dans une autre vie, elle se voyait assistante sociale. En outre, de son appétence pour la formation et la transmission du savoir, une similitude s’établit avec sa génitrice, professeur de mathématiques à la retraite.
Ivre de l’amour (venant des autres) qu’elle a pu palper à sa dot dans la cité festive de Porto-Novo au Bénin, l’ingénieur en IA a revisé sa conception de la réussite : faire rire quelqu’un au quotidien.
Désirée "Chanceuse" par ses parents, celle qui est intimement mue par la volonté d’impacter positivement son temps et ses semblables, répand la bonne humeur sur son passage. C’est ainsi qu’elle continue son "voyage d’un touriste du bonheur".
Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)